Lettre pastorale à la famille lasallienne 2025-2026

Notre hôte conduisit notre groupe dans une classe de maternelle où près de trente-six enfants s’adonnaient joyeusement à leur activité du jour. Les enfants étaient tous pleins de vie et me saluaient joyeusement tandis que je passais d’une table à l’autre. Tous, sauf un petit garçon de quatre ans. Sergio s’était renfermé sur lui-même et ni les couleurs, ni la musique, ni le bruit autour de lui ne parvenaient à le sortir de sa solitude. Dans l’agitation créée par notre présence intrusive, cet enfant de quatre ans s’est approché de moi très discrètement et a simplement enroulé ses bras autour de mes jambes. Je me suis assis sur l’une des chaises basses des enfants pour recevoir son étreinte et le regarder dans les yeux. Mais Sergio a enfoui sa tête sur mes genoux, tout en répétant « maman, maman ». 

Pendant une minute sacrée, je me suis senti profondément en lien avec Sergio que je tenais sur mes genoux. En lien avec moi-même. Avec toute l’humanité. Avec mon Dieu. En un éclair, j’ai réalisé que j’entrais dans le royaume du mystère. Non pas celui qui appartient à la catégorie des énigmes insolubles, mais celui qui dévoile des vérités plus profondes chaque fois où le niveau d’engagement s’intensifie. Je me sentais réel, profondément humain, divinement heureux.

« Soit nous sommes frères, soit nous nous détruisons mutuellement » 

Le Pape François a souligné à maintes reprises notre fraternité universelle, rappelant à tous que nous sommes « nés d’un même Père ». Nous ne sommes pas seulement issus du même patrimoine génétique, mais nous avons été créés par le même Dieu aimant qui nous donne la vie parce qu’il nous aime. J’existe parce que je suis aimé ! Inconditionnellement. Infiniment. Éternellement.

Quel changement radical par rapport au principe cartésien du doute radical, « Cogito, ergo sum » ! La rencontre fortuite avec Sergio m’a fait prendre conscience d’une présence profonde qui appelait une réponse urgente et réelle. Tous les doutes que j’avais sur mon existence ou ma capacité à changer le monde se sont effacés devant une situation urgente qui exigeait MA réponse immédiate. J’étais confronté au besoin exprimé par quelqu’un qui se tournait vers moi pour trouver du réconfort. J’aurais pu repousser la réalité et tout aurait disparu dans le néant et l’obscurité. Comme l’herbe qui se flétrit et fane.

J’ai choisi de m’engager. Un lien fraternel s’est forgé. Deux étrangers sont désormais liés l’un à l’autre comme des frères d’armes. Cette rencontre fortuite s’est transformée en un moment rempli de grâce. 

J’ai trouvé un nouveau sens à cette nouvelle réalité. Je me suis redécouvert, j’ai redécouvert ma vocation, j’ai redécouvert mon Dieu.

Ce moment m’a transformé, bouleversé l’âme. L’expérience d’être en présence d’un amour sincère, – envers moi et le garçon que je tenais sur mes genoux – change notre perception de la réalité. Nous ne sommes plus jamais les mêmes. Celui qui est plongé dans la folie de l’amour voit le monde différemment : la lumière ne s’éteint jamais. Les problèmes trouvent soudainement leur solution. Rien n’est impossible. La bonté devient illimitée. Les défis vous rendent d’autant plus fort. La joie déborde. L’espérance ne déçoit pas (…).

Chaque vignette est une fenêtre sur ce que signifie vivre comme si Dieu était communion, car Dieu l’est. Je vous invite à regarder votre propre histoire. Pensez à ce collègue qui est resté à vos côtés pendant une période difficile. À cet élève qui vous a enseigné l’humilité. À ce Frère qui vous a fait sentir que vous étiez perçu. À cette communauté qui vous a porté lorsque vous ne pouviez plus marcher seul. Dans ces moments-là, vous avez vécu la Trinité. Vous ne l’avez peut-être pas nommée, mais vous l’avez incarnée. Et ce faisant, vous avez rendu visible l’amour de Dieu. C’est ce que révèlent les vignettes suivantes.

La fraternité n’est pas un idéal lointain, mais quelque chose qui se déroule déjà – dans nos salles de classe, nos bureaux, nos œuvres et nos cœurs. Puissions-nous, en tant que famille lasallienne, poursuivre l’œuvre sacrée qui consiste à rendre visible l’amour du Dieu trinitaire dans notre monde – remplis d’audace prophétique et de beaucoup de joie.

Frère Armin A. Luistro
Supérieur général

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